Publié le 2025-04-23T06:36:15-04:00
Opinion par Michel Alsayegh, chimiste, président de l’Ordre des chimistes du Québec
Les dernières semaines nous rappellent une réalité trop souvent méconnue : la chimie est omniprésente dans notre quotidien. Source d’innovations dans plusieurs secteurs, comme la santé, l’énergie, les matériaux durables et les technologies vertes, la chimie démontre chaque jour son caractère indispensable. Or, cette présence comporte aussi des risques de préjudice bien réels. Les récentes émanations toxiques industrielles, les déversements, les incendies impliquant diverses substances, notamment chimiques, et les questionnements entourant la disposition de déchets toxiques en sont des exemples éloquents.
Bien malheureusement, ces quelques événements parmi tant d’autres au fil des années, révèlent des lacunes préoccupantes dans la gestion des matières dangereuses et dans l’encadrement de la profession de chimiste, mettant en péril la santé, la sécurité publique et l’environnement.
Encadrement
Tout comme l’ont évoqué récemment d’autres acteurs de la société civile, il est nécessaire de se questionner sur l’encadrement de la gestion des matières dangereuses résiduelles au Québec. C’est pourquoi l’Ordre des chimistes du Québec réclame lui aussi la réalisation, par le Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE), d’un mandat d’enquête et d’audience à ce sujet.
Néanmoins, une vision plus large s’impose. Il est temps de revoir la chaîne de responsabilité de la gestion des matières dangereuses dans leur ensemble. Chaque maillon compte et les chimistes, à titre de professionnels dûment formés et encadrés, font partie intégrante de cette chaîne par leur expertise unique et leurs connaissances spécialisées des risques liés à la manipulation de ces matières, tant pour la santé et la sécurité du public que pour la protection de l’environnement.
Depuis sa fondation en 1926, l’Ordre des chimistes du Québec a pour mission de protéger le public. Or, notre loi constitutive, la Loi sur les chimistes professionnel, date elle aussi de 1926. Elle n’a pas été mise à jour depuis 1964. Cette situation est anachronique, voire dangereuse. Ce décalage empêche l’Ordre de remplir parfaitement son rôle, notamment à l’égard de la gestion des matières dangereuses, et laisse la porte ouverte à des pratiques illégales de la chimie qui exposent le public à des situations dangereuses.
Modification des règles
Il est crucial de comprendre que toute modification des règles régissant la gestion des matières dangereuses sera inefficace si les personnes responsables de leur application ne bénéficient pas des compétences, de l’éthique professionnelle et de l’imputabilité requise. En d’autres termes, réviser le cadre réglementaire relatif à la gestion des matières dangereuses sans actualiser la Loi sur les chimistes professionnels risquerait de compromettre l’intégrité du filet de sécurité indispensable à une gestion efficace.
Dans un contexte où les substances chimiques sont utilisées dans les différents procédés agroalimentaires, pharmaceutiques, environnementaux, par exemple, il est fondamental que le public puisse avoir confiance non seulement dans les substances elles-mêmes, mais aussi dans les personnes qui les manipulent, les transportent, les transforment, ou les éliminent.
Chaque fois qu’un entreposage inadéquat ou une manipulation imprudente de matières dangereuses survient, ce sont la santé publique, la sécurité des travailleurs, la qualité de l’environnement et la confiance des citoyens qui sont compromises.
Le Québec doit se doter d’un encadrement de la chimie, cohérent et rigoureux, entre autres pour la gestion des matières dangereuses. Cela passe par l’implication du BAPE pour éclairer de manière impartiale le débat public et par la modernisation de la Loi sur les chimistes professionnels afin de garantir que les bonnes compétences soient mobilisées au bon moment. L’heure n’est plus aux demi-mesures : il est temps d’agir avec rigueur, transparence et ambition.
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